mardi 15 octobre 2013

Oulan Bator est sous la neige ce matin. -3°C indique le thermomètre. A l'arrière d'un vieux bus, assis sur l'une de mes sacoches de moto, je me laisse guider sur des routes accidentées vers l'aéroport Gengis Khan.
Ma moto s'y trouve quelque part en caisse dans un entrepôt et je n'aurai même pas l'occasion de l'approcher. Elle prendra un autre vol et me rejoindra dans trois jours.
Délivrance du billet, enregistrement des bagages, contrôle du passeport. Chaque changement de pays n'est qu'une succession de démarches laborieuses où les sourires ont tous pris la fuite.
Ces gens chargés de la sécurité de leur pays n'ont au fond du regard que le côté pervers du voyageur. Il ne faut donc pas s'attendre à une partie de plaisir.
Quelques voyageurs occidentaux comme moi font tâche au milieu de ces visages ronds au nez plat.


Une page de mon voyage est en train de se tourner.

Aujourd'hui ça fait trois mois que j'ai tout lâché de mon ancienne vie. Trois mois que je n'ai que la route pour domicile. 
16 pays traversés, 22 000kms parcourus, 4 vidanges moteur, deux filtres à huile, 4 bougies, 1 joint pour robinet, 1 axe pour le compteur, 0 crevaison...
Je me suis fait héberger, inviter à manger, dépanner pour ma moto... En Suisse, en Albanie, en Grèce, en Bosnie-Herzégovine, en Roumanie, en Russie ou bien encore en Mongolie.
De la démocratie au communisme, de l'Islam au shamanisme. Des peuples en crise financière, des peuples en sortie de guerre. Des vendeurs de pommes de terre sur les bord de route de la Sibérie au trader suisse...
Ma rétine a imprimé tant de contraste...

"ta tête connaît à peine tes jambes qui souvent ne comprennent pas tes bras comment ça marche encore déjà..." [Noir Désir, L'Europe, Des visages des figures]


Aujourd'hui j'arrive à Bangkok.



Traversée de la Mongolie


samedi 12 octobre 2013

Mongolie, 2ème partie

24 septembre 2013 :


Je m'élance innocemment d'Oulan Bator en direction du sud. Ignorant tout de ce pays, je pars comme à chaque fois l’œil vif et le palpitant au cœur. Une carte des destinations touristiques en poche et mon GPS programmé pour une première étape à la roche mère Eej Khad. Je parcours mes premiers kilomètres sous un ciel dégagé et sur une route presque trop parfaite. Mais rapidement mon GPS me fait prendre de minuscules sentiers au milieu des steppes. Rien à perte de vue, une ou deux ghers se fondent dans le décors.
Faux départ après 4h à crapahuter ces sentiers, je prends conscience que je n'ai pas enregistré les bonnes données dans mon GPS. Je rebrousse donc chemin avant de demander confirmation à un paysan qui rentre son troupeau de moutons.
A la nuit tombante j'installe mon campement à seulement 50kms d'Oulan Bator. Nuit glaciale, un givre épais recouvre la moto et ma tente. La condensation de ma respiration  vient également se givrer sur la paroi interne de ma tente. 
Une fois le soleil levé, les températures remontent rapidement mais j’apprécie déjà mes nouveaux manchons en peau de mouton que je me suis confectionné la veille.
Direction donc le sud, le désert de Gobi n'est qu'à 600kms, fini pour de bon l'asphalte... La route n'est au mieux qu'un tracé poussiéreux  sur de la tôle ondulée, au pire une succession de virages sur de grosses pierres aiguisées. 
Il devient de plus en plus difficile à maitriser la moto. Après quelques glissades où je peine à relever la moto et son chargement, une chute plus violente dans le sable m'éjecte de la moto.
Mon tibia gauche est en sang, la moto n'a rien, juste une sacoche qui est enfoncée et peine à s'ouvrir et se fermer correctement. Pas bien gênant mais s'il pleut tout sera trempé car il y a un jour d'un centimètre entre la boîte et son couvercle.

Mandagolvi, première "ville" depuis que j'ai laissé Oulan Bator. Je fais le plein d'essence (du sans plomb 92, je ne trouverai au mieux que ça maintenant), et de provisions en eau et nourriture.
A peine le temps de montrer ma sacoche à un garagiste qu'il me sort une presse et me la remet presque à l'identique. 
Rapidement je me retrouve entouré d'une dizaine de curieux qui sont fascinés par ma moto. Il faut dire qu'ici tout le monde est motard. Sur de vieilles motos russes ou de récentes 150cc chinoises, hommes, femmes, enfants et animaux sont transportés au milieu des steppes sur ces deux roues. Et puis faut avouer que c'est bien pratique un deux roues pour ramener le troupeau de moutons, chevaux ou yacks le soir.
Deux chauffeurs de bus m'invitent à boire un verre, puis on mange ensemble, puis il faut finir la bouteille de vodka mongole maintenant, sinon comment on test l'étranger ?
On communique difficilement mais je passe une bonne soirée avec ces charmants personnages aux yeux tirés, aux traits marqués et à la voix rauque dont aucune voyelle n'en sort.
Je finis ma nuit dans un pièce de l'arrière boutique d'un garage où quatre lits sont entassés. Et c'est dans des relents d'alcool et de lourds ronflements que je trouve rapidement le sommeil.



Sous le poids des nombreuses inscriptions qui ornent mon casque, mes cheveux me font mal ce matin...
Le désert n'est plus qu'à quelques pas, j'aperçois les premiers chameaux.



Je passe presque deux semaines dans ce désert. Dont cinq jours en totale autarcie. Avec du café, des biscuits, du nutella, du riz, des nouilles chinoises et de l'eau pour provision. Ma moto et cette nature époustouflante pour compagnie. Des nuits à regarder les étoile depuis mon duvet bien fermé. Les sept tengri sont étincelantes ce soir (la grande ours). Une légende mongole raconte que sept cavaliers géants (tengri) se battaient avec des armes de feu sur leurs montures aillées. Une divinité, lassée de leur querelle, les exila dans le ciel où on les voit briller depuis.
Bercé par quelques contes mongoles, répertoriés dans un livre que j'ai avec moi, je trouve le sommeil dans une nuit qui s'annoncent de nouveau glaciale.
D'un coup un bruit, je me réveille, il est 2h et non je ne rêve pas, se sont bien des loups qui hurlent sur la colline juste au dessus de moi... J'avoue qu'il est nettement plus paisible de se faire réveiller au petit matin par le souffle chaud d'un troupeau de chevaux en ballade.

D'abruptes reliefs viennent ponctuer ce décors sablonneux à perte de vue. On y croise ça et là un troupeau de chameaux, des gerboises qui pointent le bout de leur nez, de grosses sauterelles, un après midi un troupeau de gazelles a même déboulé devant mon nez.
La végétation semble peu diversifiée et pourtant je me laisse surprendre par des odeurs poivrées et mentholées. 
J'ai retenu la leçon de Christopher McCandless, je ne vais pas me risquer à goûter ces plantes. D'ailleurs je prends conscience et me laisse par moment envahir par une montée d'angoisse quand je réalise que je suis seul au milieu de nul part. Le premier chemin est à environs 20kms, ce chemin est à environs 60kms d'un village, qui se trouve à plus de 100kms d'une ville... Bref il me faudrait marcher plusieurs heures avant de croiser quelqu'un. Tout soucis mécanique ou de santé peut vraiment gâcher cette aventure.
Pourtant je ressens le besoin de faire ça. Ce lieu m'inspire l'isolement et le détachement total d'un mode de vie traditionnel.
Cinq jours ont suffit  à calmer en moi cette soif d'aventure extrême. J'ai faim, je suis fatigué et il me reste encore deux jours avant de rejoindre Arvayheer (ville au nord de Gobi, à l'est de l'Altaï).
Je maitrise de mieux en mieux la moto sur ces terrains sablonneux et y éprouve un rel plaisir. Je me réjouis de pourchasser un troupeau de mouton en me disant : si tu ne cours pas assez vite, tu finiras comme mes manchons... 
Malheureux est un végétarien ici, tout repas se compose d'un aliment blanc (à base de lait) et la viande de mouton bouillie y est généreusement servie.
Dans les villages où je m'arrête faire le plein (du sans plomb 80 par moment), je prends pour habitude de m'arrêter manger au "restaurant". Dans quatre murs préfabriqués, trois tables crasseuses dans une minuscule pièce donnant sur une cuisine douteuse où les marmites sont noircies par le feu. 
Les femmes mongole sont actives et efficaces. Pour l'équivalent de 2 euros je repars le ventre plein et souvent une nouvelle signature sur mon casque ou ma moto.





En remontant vers les steppes, je croise de plus en plus de ghers. Il n'est pas rare non plus de croiser un mongole en tenue traditionnelle sur son cheval ou sa moto en train de surveiller son troupeau de bétail. C'est souvent l'occasion pour moi de m'arrêter pour passer un moment à contempler nos montures et partager quelques biscuits au milieu du troupeau.







Il est temps pour moi de remonter sur Oulan Bator, dans quelques jours je pars pour Bangkok et j'ai une moto à mettre en boîte !!












Les trois hommes que vous voyez, sont là pour faire contre poids car la caisse est un peu lourde... 338kg quand même !!! (On a pas du bon matériel en Mongolie, mais on a des idées...).
Il m'aura fallu quand même deux jours pour confectionner la boîte et remplir toute la paperasse dans différents guichets.
Si tout se passe bien, je la récupère début de semaine prochaine à Bangkok. Je m'amuserai à tout remonter !

13 octobre 2013 :

Au revoir la Mongolie, c'est parti pour la Thaïlande !