mardi 26 novembre 2013



Les routes du nord du Laos sont très tortueuses, mon pneu arrière, qui est devenu carré fait des petits soubresauts à chaque courbe. En effet, pour la première fois de ma vie, je me retrouve avec un pneu arrière carré (je n’ai pourtant pas de side car ;)). Pas très fier mais j’imagine que les longues lignes droites de Sibérie l’ont formé ainsi.
Le pneu avant va être bon à changer également. En attendant je profite des derniers millimètres de gomme pour dévorer ce pays.

A proximité des villages, on aperçoit, ça et là, des gens de tous âges rentrer des champs, le dos chargé de foin, de bois ou autre. C’est assez impressionnant de voir tous ces gens sur les bords de route, à bout de force, le dos courbé par le poids du sac. Je dois dire que je prends plaisir à m’arrêter et à les prendre en stop pour les raccompagner jusqu’à chez eux.

Les réactions sont parfois assez surprenantes. Il me faut souvent parlementer un peu pour qu’ils acceptent car ils ne comprennent pas toujours ce que je leur veux ! 
Il y a les anciens, pas farouches, qui montent volontiers et sont très reconnaissant. Il y a ensuite les enfants, qui trop impressionnés refusent la plus part du temps. Et pour les dames, elles sont trop gênées pour accepter.
Bref, je pense que le temps d’une petite balade, je casse un peu la routine de ces gens qui travaillent d’arrache pied pour subvenir aux besoins de la famille et n’ont que très peu de divertissements.
La barrière de la langue et la timidité exacerbée des laotiens m’empêche la plus part du temps de partager plus avec eux. Peut importe, leur sourire me comble pour la fin de la journée !

Alors, après Luang Namtha, me voilà à Luang Prabang, ancienne capitale du royaume au million d’éléphants. Cette ville portuaire du Mékong est un endroit bien tranquille. Comme dans beaucoup de villes d’Asie du sud est, il y a une colline et un temple dessus. Ici c’est le Wat Chom Si. Quelques sites sont classés au patrimoine UNESCO, à proximité il y a quelques cascades et grottes à visiter.
À la nuit tombante il y a un night market, où l’on peut y manger végétarien à volonté pour 1 euros. Et si, pour les gros mangeurs comme moi, ça ne suffit pas et bien l’on peut toujours se débrouiller pour acheter ces oiseaux mis dans des petites cages en bois (pour être libéré devant les temples), et en faire un tout autre usage ;).

Bon sinon pour les moins courageux, il y a des crêpes et des milkshakes à vendre un peu partout. Et pour dormir, pas besoin de sortir la tente, pour 3 euros maximum il y a des bungalows chez l’habitant en bordure de fleuve… De l’eau courante, une douche, du savon, une serviette, du papier toilette, un lavabo…
Quand je vous dis que tout est facile pour voyager en Asie ! C’est sans doute la raison pour laquelle il y a tant de touristes européens ici. Et d’ailleurs quand parfois il m’arrive d’oublier les raisons pour lesquelles j’ai quitté la France depuis plus de 3 ans et bien je n’ai qu’à discuter avec des français en vacances. Au bout de trois minutes je les trouve obnubilés et névrosés du porte monnaie…
Bon ok, je n’ouvre pas cette parenthèse du tourisme et de la France de manière candide, il faut que je vous raconte la dernière qui m’est arrivée.

Je pense que je n’ai pas besoin de vous préciser mon point de vue sur les vacances organisées et les raisons pour lesquelles des gens choisissent ce type de « voyage pathologique». Je vais me contenter d’énoncer les faits de ce que j’ai vécu l’autre jour.

Tout commença un après midi ensoleillé…  après quelques kilomètres au guidon de ma moto je bifurque sur des chemins de terre, à travers de petits villages bucoliques, à la recherche d’une cascade mystérieuse…  (je vous ai bien planté le décor là ? ;)). Et pour une raison que j’ignore, ce chemin était barré (mais bon ça on s’en fiche). Je fais donc demi-tour, en prenant soin de faire déraper mon pneu lisse à chaque sortie de virage (il y a des petits plaisirs simples dans la vie, mais bon, on s’en fiche aussi car ça n’a rien à voir avec ce dont je veux vous parler…).
Me voilà donc proche de la route principale et j’entrevois un monastère sur main gauche. J’y entre tout doucement pour ne déranger personne et à ma grande surprise un immense bus arrive juste derrière moi. Un bus rempli de touristes… Pour la discrétion c’est raté ! Je décide donc de ranger mon appareil photo et d’enfiler mon casque pour partir. Mais à peine le temps de dire ouf qu’une femme, d’âge mûr, appareil photo autour du cou se précipite vers moi. 
Je tiens juste à préciser, avant de vous énoncer les faits, que l’âge mûr est, comme disait si justement Pierre Desproges, l’âge qui précède l’âge pourri… mais comme disait également M. D, nos propos divergent et dix verges ça fait beaucoup…

Bref, cette dame s’approche de moi, d’un pas pressé, pour me dire quelque chose dont je n’étais pas prêt à entendre. A ce moment j’imagine tout, sauf ce qu’elle va me dire :

« Excusez-moi, est-ce que vous pouvez vous pousser car vous nous gênez pour la photo… »

Cette vieille dame au bord de la sénilité, à peine descendue du bus, accompagnée d’une vingtaine de ses copains de la maison de retraite, avait bien remarqué ma plaque d’immatriculation française pour me balancer ces mots en français sans même un bonjour.
L’image était grotesque : Le bus s’arrête, et comme dans une transhumance, ces sexagénaires suivent studieusement les conseils du guide et s’entassent juste derrière moi et dégainent leur appareil photo afin  d’imprimer à jamais ce monument. 
C’était sans doute écrit au programme de la journée par le tour opérateur : « vous aurez le droit de prendre ce monastère en photo, ne le ratez pas car vous avez payé pour ça ». Et puis comme le chauffeur du bus presse le pas, ils ne peuvent pas se permettre de traîner ici, et surtout on ne sait jamais, peut être que s’ils prennent du retard, le repas du soir sera froid quand ils arriveront à l’hôtel…
Pas facile ces voyages organisés !


« Excusez-moi, est-ce que vous pouvez vous pousser car vous nous gênez pour la photo… » me dit-elle. 
Que répondre à ça ? J’avais plusieurs réponses en réserves, du genre :

Écoute mamy, tu prends ton déambulateur, tu lâches un peu tes amis de belote, tu fais trois pas sur ta droite et tu verras je ne serai plus dans ton champs de vision.

Ou encore :

Qu’est ce que tu t’obstines à prendre des photos, de toute manière tu n’arriveras pas à les transférer sur un ordinateur.

Ou enfin : 

Si ma tronche ne te revient pas sur tes photos je peux te montrer mon cul, j’en ai fait quelques clichés sympas.

Mais que voulez vous, j’ai un surmoi trop développé, alors j’ai tout simplement répondu : Oui je suis sur le point de partir….
What the fuck ??? Le gars il passe des nuits tout seul en Mongolie au milieu des loups, il traverse une quinzaine de pays à bécane et il n’est même pas capable d’envoyer bouler une vieille française ménopausée au Laos ?
Faudra que j’en parle à un psy un jour, en attendant je vais essayer de gérer mon ulcère comme je peux ;)


3 commentaires:

  1. Hello Alan, voici la copie du message que j'ai envoyé à une copine ( forum GSFR) qui nous y a parlé de toi :
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    Pas dans mes habitudes de parcourir les blogs de routards ... ni très aventurière, ni très blogs, ... je viens pourtant de passer une superbe soirée, à éplucher tous les liens que tu m'as donnés. FaceBook, youtube, et surtout son blog que j'ai, une grande première pour moi, entièrement parcouru.

    Petit gars extrêmement attachant, à la démarche toute simple, pas d'hôtel, pas de restos, pas de portable, pas de clopes ... juste le guidon de son AT et l'envie de faire de vraies rencontres. Des textes simples, vivants, une façon toute modeste de se raconter, sans égo, sans staff, de très belles photos (moi qui aime tant la photo, je me régale ) En le lisant, tout paraît si simple, et pourtant, j'imagine bien que derrière sa pudeur, il doit passer par quelques moments d'angoisse et de doutes.
    Tout simplement magnifique.
    Je regarderai de près la suite de son périple, comme on attend le prochain épisode de son feuilleton favori. A priori, il met son blog à jour très régulièrement.

    Alors, Miss ... merci ... c'était une belle idée

    cath83

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